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L'épistémologie désigne l'étude de la connaissance. Communément c'est la recherche sur la répartition des sciences en disciplines; mais c'est aussi la réflexion sur ce qu'est le savoir, sur les moyens d'y accéder (leurs motivations, leurs validité, etc.), et donc l'examen de l'histoire des sciences.
Le mot vient du grec épistémê («connaissance », «science ») et logos (« discours »). Donc l'épistémologie est littéralement un discours sur la connaissance. Le terme d'origine anglaise est attesté la première fois en 1856, et apparaît en 1906 dans un dictionnaire français comme « critique des sciences » ; c’est-à-dire en tant que discipline de remise en question de la connaissance et des méthodologies scientifiques. Le terme épistémologie est employé couramment dans trois acceptions : 1. Pour la première, c'est une réflexion sur la science : une partie de la philosophie qui s'intéresse au discours rationnel sur la connaissance scientifique. La philosophie des sciences étudie ainsi la connaissance scientifique d'un point de vue critique. L'épistémologie peut s'intéresser à établir une classification des sciences, à définir des catégories. C'était la première étape des sciences dans la classification et la taxonomie, la deuxième étape étant l'explication et la troisième dans la prédiction à partir des modèles, issus des théories explicatives, et leur simulation. 2. La seconde acception est celle de l'étude des épistémès comme époques de production de discours positifs par des disciplines appelées ou non « sciences ». 3. La troisième acception, issue de l'emploi du terme « epistemology » dans le monde anglo-saxon, est celle de la théorie de la connaissance. Qu'est-ce que le savoir ? Comment prend-il forme ? Pourquoi telle forme de savoir plutôt qu'une autre ? Quelles sont les limites du savoir ? Comment faire pour savoir ? Sont des exemples des questions que se posent les théoriciens de la connaissance. Ceci étant dit, certaines acceptions peuvent paraître restrictives. C'est le cas de celle issue du monde anglo-saxon comme théorie de la connaissance, dans la mesure où un discours sur la connaissance pourrait se référer à la fois à une philosophie de la connaissance, à une philosophie du langage, puisqu'il n'y a pas de connaissance sans langage, à une philosophie de l'action, puisqu'il n'y pas de langage en dehors d'une action, à la méthodologie etc. Le terme de théorie est de plus en lui même restrictif et fait penser directement à la science. C'est le cas également de la réduction du terme épistémè à science : voir en cela les développements de Foucault qui rapproche épistémè de paradigme. Voici le résumé d'un article d'un épistémologue contemporain, Gilles Gaston Granger: "L'évolution de la prise de conscience de la nature profonde de la pensée scientifique pourrait être symbolisée, très schématiquement, par trois devises, dont chacune réinterprète d'une certaine manière et rectifie la précédente. On a d'abord proclamé qu'il n'y avait de science que l'universel; puis, qu'il n'y avait de science que le mesurable. Nous devrions dire aujourd'hui: il n'y a de science que le structurable. Profession de foi qui ne récuse nullement les deux précédentes, mais les relativise, et donne un sens nouveau à l'universel et au mesurable. C'est de cette manière qu'il conviendrait, me semble-t-il, de reconnaître le rôle et la place des modèles qualitatifs dans la pensée scientifique." À sa manière, François Rabelais réfléchissait sur la connaissance tel un épistémologue dans le « gay savoir » sur le versant scientifique et sur le versant philosophique avec la science alliée à la conscience
Questions épistémologiques fondamentalesLe problème du protocole d'observationAu début du XXe siècle, certains philosophes, dans une perspective fondationaliste, se sont posé la question de savoir s'il était possible d'isoler des faits d'observation, bases de la généralisation et de la connaissance. On peut distinguer schématiquement deux points de vue :
Épistémologie générale : Théories de la validationGaston Bachelard et l' "obstacle épistémologique"Dans son livre "La formation de l'esprit scientifique" (1934), Gaston Bachelard définit l'obstacle épistémologique comme étant "la rectification du savoir, l'élargissement des cadres de la connaissance". Pour lui, le scientifique doit se dépouiller de tout ce qui constitue les "obstacles épistémologiques internes", en se soumettant à une préparation intérieure afin que sa recherche progresse vers la vérité. À ce titre, il prête une grande importance à la psychanalyse, non pas à titre thérapeutique, mais en ce qu'elle permettrait de mieux écarter certaines croyances naïves qui ne seraient que la projection de nos désirs et pulsions. Ce qu'il appelle la "psychanalyse de la connaissance" permettrait la libération pour l'homme de ce qui fait obstacle à la recherche scientifique, et marquer alors dans sa recherche des progrès décisifs.La notion d'obstacle épistémologique est ce qui permet de poser le problème de la connaissance scientifique: c'est à partir du moment où celui-ci est surmonté, donnant lieu à une "rupture épistémologique", que l'on atteint le but recherché. Les obstacles sont, pour Bachelard, non seulement inévitables, mais aussi indispensables pour connaître la vérité. Celle-ci en effet n'apparaît jamais par une illumination subite, mais au contraire, après de longs tâtonnements, "une longue histoire d'erreurs et d'errances surmontées". Plutôt que de vouloir changer le fonctionnement des choses, l'attitude la plus juste pour un scientifique serait de se changer lui-même, dans sa manière d'aborder la science. Ce qui freine le chercheur n'est pas ce qu'a priori il pourrait croire: ce ne sont pas les phénomènes eux-mêmes, mais bien à l'intérieur de lui que les rectifications doivent être faites. Le chercheur, dans sa quête, investit de manière humaine, trop humaine, c'est-à-dire que bien souvent il pose la conclusion d'abord et offre ensuite à l'esprit d'explorer les chemins vers cette conclusion selon les désirs qu'il projette. Dans une phrase célèbre de La formation de l'esprit scientifique Bachelard explique : « Et, quoi qu’on en dise, dans la vie scientifique, les problèmes ne se posent pas d’eux-mêmes. C’est précisément ce sens du problème qui donne la marque du véritable esprit scientifique. Pour un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse à une question. S’il n’y a pas eu de question, il ne peut y avoir de connaissance scientifique. Rien ne va de soi. Rien n’est donné. Tout est construit. » Si l'on sait que nous ne devons jamais poser trop tôt les conclusions, la quête scientifique n'en demeure pas moins une longue suite de tâtonnements. Le plus grand obstacle resterait en effet, selon Bachelard, ce qui a été déjà découvert, et il faut pouvoir le remettre en question. "La compréhension de demain passe par la négation du discours d'aujourd'hui", affirmait-il. Ainsi les obstacles épistémologiques peuvent-ils être autant de vagues sens communs que les formations de la pensée réfléchie. Les "régressions, stagnations, inerties" dont il parle sont dues à l'échec de conceptions d'abord jugées conformes à la réalité, et qu'il faut rectifier aujourd'hui car elles conduisent à une contradiction intellectuelle. Bachelard dénonce l'opinion que nous laisse l'expérience empirique et son influence sur la connaissance scientifique : "le réel n'est jamais ce que l'on pourrait croire, il est toujours ce qu'on aurait dû penser", dit-il. "La science s'oppose formellement à l'opinion : l'opinion ne pense pas, elle traduit des besoins en connaissances." La connaissance scientifique consistera à revenir sans arrêt sur le déjà découvert. En plus de permettre la connaissance juste de ce qui nous entoure, elle s'avère être également, par la quête longue et difficile qu'elle représente, une conquête de l'esprit humain par l'incessant travail de rectification de nous mêmes. L'inductivismeL'induction consiste à passer de cas singuliers à une proposition générale. Le problème est de savoir si nous sommes justifiés à croire que nous pouvons prédire un quelconque fait d'après nos théories. Par exemple, nous avons observé que le soleil, jusqu'ici, se lève le matin. Mais rien ne semble justifier notre croyance au fait qu'il se lèvera encore demain. Ce problème avait été jugé insoluble par Hume, pour lequel notre croyance relevait de l'habitude. Le théorème de Cox-Jaynes donne cependant non seulement des bases mathématiques à l'induction, mais sous condition de savoir que c'est simplement notre modèle du monde que l'induction nous permet d'améliorer, non une connaissance intime de celui-ci.Falsificationnisme ou RéfutabilitéKarl Popper critique le raisonnement par induction. Ce dernier a certes une valeur psychologique mais pas une valeur logique. Il soutient que l'induction n'est qu'un « mythe », et qu'« il n'y a pas d'induction », parce qu'« il ne peut jamais y avoir d'observation pure des faits », étant donné, que pour Popper, toute observation est précédée par l'usage d'une théorie générale. De nombreuses observations cohérentes ne suffisent pas à prouver que la théorie qu'on cherche à démontrer soit vraie. A contrario, une seule observation inattendue suffit à falsifier une théorie. C'est ce que Popper nomme l'« assymétrie » entre vérification et falsification. Ainsi, mille cygnes blancs ne suffisent pas à prouver que tous les cygnes sont blancs ; mais un seul cygne noir suffit à prouver que tous les cygnes ne sont pas blancs. Voir Paradoxe de Hempel.Il en résulte qu'une théorie ne peut être « prouvée » mais seulement considérée comme non encore réfutée par des tests intersubjectifs jusqu'à preuve du contraire. Partant de là, on peut distinguer :
Parmi les théories réfutables (Popper dit falsifiables), certaines ont été réfutées et abandonnées, d'autre n'ont pas été réfutées : elles sont dites par Popper « corroborées » ie. considérées vraies jusqu'à preuve du contraire. Il est à noter que Popper distingue ce qu'est une corroboration par rapport à la vérification (comprise comme vérification certaine) et à la confirmation d'une théorie. Pour lui, il est impossible de vérifier avec certitude les théories scientifiques, puisque qu'elles ont toutes la forme logique d'énoncés universels au sens strict, lesquels sont tous logiquement réfutables et tout aussi logiquement invérifiables. Ces énoncés n'étant pas limités par des coordonnées spatio-temporelles. Sur ce point précis, Karl Popper était en accord avec les vues des néopositivistes du Cercle de Vienne, qui considéraient, néanmoins, que de tels énoncés, n'étaient que de « pseudo-énoncés » en raison de l'impossibilité logique de les vérifier. C'est la raison pour laquelle, ils leur préféraient les « énoncés atomiques », qui n'étaient autre que des énoncés singuliers portant sur la réalité. En ce qui concerne la confirmation d'une théorie universelle, elle consiste, pour Popper, en la vérification des énoncés singuliers faisant partie de ce qu'il nomme la sous-classe des énoncés de la base empirique permis par la théorie. L'autre sous-classe, constituée des énoncés singuliers interdits, ou « falsificateurs virtuels » de la théorie, étant celle qui intéresse de manière privilégiée les scientifiques, puisque, pour Popper, c'est par la confirmation expérimentale et intersubjective, d'un des falsificateurs virtuels accepté d'une théorie universelle stricte, que celle-ci peut être réfutée. Pour Popper, seuls ces falsificateurs virtuels sont intéressants pour des tests, et eux seuls peuvent donner une information sur le contenu descriptif d'une théorie à un moment donné, c'est-à-dire selon le degré de corroboration atteint par la théorie au moment du test. On peut remarquer que l'hypothèse du dieu trompant en permanence les sens imaginé par Descartes dans les Méditations métaphysiques et qui préfigure l'idée de réalité virtuelle est elle aussi, par définition, corroborée par l'expérience. C'est un autre critère qui nous conduit à ne pas la considérer comme prioritaire : celui du rasoir d'Occam. Ce sont aussi les limitations indépassables qu'impose ce que Popper nomme le psychologisme, dans la méthode scientifique, qui l'ont conduit à proposer une « logique de la découverte scientifique », qui s'écarte de manière explicite de tout recours au psychologisme. Popper écrit : « En ce qui concerne la tâche de la logique de la connaissance - par opposition à la psychologie de la connaissance - j'affirmerai au départ qu'elle consiste seulement à examiner les méthodes employées dans ces tests systématiques auxquels chaque idée nouvelle doit être soumise pour être prise au sérieux. (...) S'il s'agit des processus impliqués dans la stimulation et le jaillissement d'une inspiration, je refuse de considérer leur reconstruction comme la tâche de la logique de la connaissance. De tels processus constituent l'objet de la psychologie empirique mais non celui de la logique ». Cela signifie, que pour Popper, on peut décrire en quoi consistent, « les règles du jeu » de la constitution des connnaissances scientifiques, grâce à des arguments logiques (d'où l'affirmation poppérienne selon laquelle son critère de démarcation est avant tout un critère logique de démarcation), et qu'il reste impossible de rendre compte de telles règles si l'on y adjoint la relativité de données ou de connaissances psychologiques. La principale critique qui ait été formulée contre le critère de démarcation de Popper, est que ce critère serait inapplicable dans le travail réel des scientifiques, parce que l'on pourrait toujours sauver une théorie réfutée, par le biais d'hypothèses auxiliaires ad hoc. Mais, dans son livre « Le Realisme et la Science », dès les premières pages, Popper s'indigne du fait que ce jugement ne serait le fruit que d'une mauvaise lecture de sa thèse, qu'il aurait pourtant bien clarifiée dès 1933, c'est-à-dire dès la parution de « Die beiden Grundprobleme der Erkenntnistheorie ». Pour sa défense, Popper insiste sur le fait que son critère est avant tout un critère logique de démarcation, lequel « ne désigne rien de plus qu'une relation logique entre la théorie (...) et la classe des énoncés de base, ou celle des événements décrits par ces énoncés : les falsificateurs potentiels », et que la falsifiabilité doit être comprise selon deux sens bien distincts. Le premier sens concernerait la falsifiabilité « en tant que terme logico-technique, reposant sur la relation logique entre la théorie en cause et la classe des énoncés de base », le second la falsifiabilité « au sens où la théorie en question pourrait être falsifiée définitivement de manière concluante et démontrable ». Popper écrit également que : « J'ai toujours insisté sur le fait que même une théorie évidemment falsifiable au sens (1) n'est jamais falsifiable en ce sens » (dans le second sens). Popper souligne enfin que « toute une littérature est née de l'inobservation de cette distinction ». Mais pour apporter une solution tangible à ce problème des niveaux de falifiablité, il propose que la méthode scientifique ne peut se passer de décisions rationnelles ou « méthodologiques », que le caractère incertain de toute falsification ne pose pas vraiment problème puisque toute falsification peut, à son tour, être soumise à des tests. Une autre critique significative du critère poppérien de démarcation est qu'il serait lui-même irréfutable, rapprochant l'épistémologie de Popper de la métaphysique. Popper répond qu'il « ne considère pas la méthdologie comme une discipline empirique, susceptible d'être testée, par exemple par la confrontation avec les faits de l'histoire des sciences ». La méthodologie, souligne Popper, « est en réalité une discipline philosophique métaphysique, peut-être même, (...) un programme de portée normative ». Au sujet de la métaphysique (et en relation avec la démarcation donc la falsification), comme il s'en explique dans « Les deux problèmes fondamentaux de la théorie de la connaissance » et dans « Conjectures et réfutations », le projet de Karl Popper était d'édifier un critère logique de démarcation, non entre la science et la non-science, mais entre la science et la métaphysique. Contre les membres du Cercle de Vienne, qui tentaient d'édifier un critère de démarcation inductif basé sur la vérifiabilité d'énoncés singuliers, (pour eux, seuls doués de sens), dans le but d'éliminier définitivement la métaphysique, Popper considérait, au contraire, que la métaphysique pouvait être utile à la science, en arguant du fait que beaucoup de sciences modernes ont débuté par des conjectures métaphysiques audacieuses. A ce propos, Popper cite le cas de la Physique moderne. Dans Conjectures et réfutations, il écrit que « la plupart des théories scientifiques sont issues de mythes ». Imre LakatosPour Imre Lakatos, il existe deux méthodes de recherche: l'heuristique positive et l'heuristique négative. L'heuristique positive, qui se trouve autour de l'heuristique négative, peut être modifiée. Elle est dynamique. L'heuristique négative présente le noyau dur, une base de programme qui est inchangeable et est protégée de toute forme de modification (ceinture protectrice). Le noyau contient toutes les hypothèses fondamentales et se trouve au centre du modèle de recherche. Lakatos considère le noyau comme infalsifiable par décision méthodologique du chercheur.Ainsi, deux programmes de recherche peuvent coexister même si un des deux est dynamique et l'autre stagne. Lakatos exclut les hypothèses ad hoc, quoiqu'il reconnaissent, un certain type d'« hypothèses auxilliaires ad hoc » qui ont pu être transitoirement utile à certains programmes de recherche, comme, par exemple, celui de Ptolémée, que Lakatos cite en exemple. Mais ce qui caractérise la méthodologie proposée par Lakatos, par rapport à celle de Popper, c'est sont rejet des « expériences cruciales de falsifications » entre deux grandes théories isolées, voire entre deux programmes de recherche scientifiques. Sur ce point, force est de reconnaître que Lakatos se contredit lorsqu'il affirme, en page 99 de son livre qu' « à l'intérieur d'un programme de recherche, des expériences cruciales mineures départageant des versions successives sont tout à fait courantes » ; puis, même page, qu' « il arrive maintes fois que les théories d'observation soient elles-mêmes encastrées dans un certain programme de recherche ; la procédure d'appel provoque alors un conflit entre deux programmes de recherche : dans ces cas-là, nous pouvons avoir besoin d'une expérience cruciale majeure ». Lakatos semble ignorer le fait que pour Popper, les théories ne sont jamais isolées, puisqu'elles entretiennent toujours entre elles, des « relations logiques », comme par exemple celles existant entre un énoncé universel au sens strict et la sous-classe de ses falsificateurs potentiels ou les conditions initiales. Ou encore le degré de corroboration d'une théorie à un instant T, et son degré de corroboration à un instant T2, qui, (logiquement pour Popper), doit être déductible du précédent, si, comme il le soutient dans son oeuvre, le progrès scientifique, relève aussi de la Tradition, par la succession logique des tests qui doivent être constamment repris par la communauté scientifique pour en imaginer des conditions initiales toujours plus sévères et inédites. Karl Popper semble avoir bien répondu, indirectement à l'argument de Lakatos, contre sa thèse des expériences cruciales, sur la base d'une critique des arguments de Pierre Duhem, sur le même problème. Il écrit, dans « Misère de l'historicisme » :
Lakatos exhorte finalement à l'abandon du critère de réfutabilité proposé par Popper. Mais un de ses disciples, Elie Zahar, démontre, qu'il lui ait impossible, dans sa propre méthodologie, de se passer de la réfutabilité. Si le noyau, enrichi par les chercheurs, est détruit par des preuves scientifiques qui s'opposent, Lakatos prédit un changement du programme de recherche. Thomas KuhnMettant l'accent sur la discontinuité dans le processus de la construction scientifique, Thomas Kuhn discerne des périodes relativement longues pendant lesquelles la recherche est qualifiée de « normale », c'est-à-dire qu'elle s'inscrit dans la lignée des paradigmes théoriques dominants, périodes pendant lesquelles de brefs et inexplicables changements constituent une véritable « révolution scientifique ». Le choix entre les paradigmes n'est pas fondé rationnellement. Cette posture implique que chaque paradigme permet de résoudre certains problèmes et, de là, les paradigmes seraient incommensurables.C'est encore Imre Lakatos, qui, dans son livre, a le mieux défendu « le programme de recherche de Popper », contre celui de Kuhn. Paul FeyerabendPaul Feyerabend observait à l'exemple de la naissance de la mécanique quantique que souvent l'avancement scientifique ne suit pas de règles strictes. Ainsi, selon lui, le seul principe qui n'empêche pas l'avancement de la science est « a priori tout peut être bon » (ce qui définit l'anarchisme épistémologique). Il critique donc l'aspect réducteur de la théorie de la réfutabilité et défend le pluralisme méthodologique. Il existe selon lui une très grande variété de méthodes différentes adaptées à des contextes scientifiques et sociaux toujours différents. De plus, il remet en question la place que la théorie de la réfutabilité accorde à la science, en en faisant l'unique source de savoir légitime, et le fondement d'une connaissance universelle qui dépasse les clivages culturels et communautaires. Enfin, Feyerabend critique son manque de pertinence pour décrire correctement la réalité du monde scientifique et des évolutions des discours et pratiques scientifiques.Son œuvre principale, Contre la méthode. Esquisse d'une théorie anarchiste de la connaissance, fut reçue très négativement par la communauté scientifique, car elle accuse la méthode scientifique d'être un dogme et soulève la question de savoir si la communauté doit être aussi critique par rapport à la méthode scientifique que par rapport aux théories qui en résultent. Lois de la natureLa loi a d'abord été conçue comme une relation entre une cause et un effet. Mais face à la contingence de la nature, certains penseurs, et notamment Guillaume d'Ockham, furent amenés à formuler l'idée que l'expression de la nécessité des lois de la nature s'exprime sous la forme d'une proposition hypothétique du type : si... alors... donc... hors...Épistémologie interne : Théories de l'explicationAu départ fut la publication en 1948 de "Cybernetics, or Control and Communication in the Animal and the Machine” de Norbert Wiener (cybernétique) dont le titre emblématique et programmatique tisse une toile qui recouvre le naturel et l'artificiel, les sciences naturelles et les sciences sociales, introduisant l’information comme l’une des trois composantes universelles avec la matière et l’énergie qui régnaient en maîtresses jusqu’alors.L’information est ce qui met en forme, qui structure la matière avec l’énergie collatérale. Cette information a ouvert aux É.-U. un bouillonnement intellectuel et scientifique dans tous les domaines, à commencer par la biologie avec l'Austro-Canadien Ludwig von Bertalanffy qui a publié en 1968 "General System Theory. Foundations, Development, Applications", dans l'unité polysystémique des sciences. Il s’agit de la Première révolution scientifique de l’information avec la cybernétique de la première génération du "signal" physique. Au premier niveau physique, la communication est la transmission des "signaux" porteurs de "signes" qui conduisent à la deuxième révolution scientifique de l’information avec la cybernétique de la deuxième génération, celle du postulat "tout comportement est communication". Au deuxième niveau social, la communication est la mise en commun des significations et des valeurs. Au troisième niveau culturel, la communication est la communion des collègues (ceux qui partagent la même loi et le même héritage) autour des croyances de la religion et les règles de conduite de la morale. En 1972, sont apparus "Steps to an Ecology of Mind" de Gregory Bateson et "System and Structure. Essays on Communication and Exchange" d’Anthony Wilden qui ont débouché sur une approche écosystémique, une méthodologie issue de nombreuses sciences et couvrant un large spectre d’applications dans de nombreuses sciences et techniques, physiques, biologiques et sociales. La Théorie des contextes formalise cette approche qui relie les niveaux de la lithosphère minérale à la biosphère du vivant sur lesquels se déploie le niveau de la sociosphère des congénères et collègues producteurs de la pensée au niveau de la noosphère par leurs activités sociales. Il y a eu le paradigme de la matière de la mécanique newtonienne et le paradigme de l’énergie de la thermodynamique qui a inspiré les travaux de Marx et Freud avec leur pression, pulsion, surpression et dépression. La Théorie des contextes, du paradigme de l’information, couvre et relie ces deux paradigmes précédents en une hiérarchie des niveaux de type logique, de contrainte ou de dépendance. Les sociologues ou philosophes des sciences français Edgar Morin et Michel Serres, pour leur part, ont cherché le "Passage du Nord-Ouest" (titre d’un livre programmatique de Michel Serres) pour relier les "sciences dures" (hard sciences) physico-chimiques au "sciences douces" (soft sciences). La série "La Méthode" d’Edgar Morin adopte la hiérarchie des contraintes de la Théorie des contextes en commençant par le physique de "La nature de la nature" (1977) pour continuer avec le biologique de "La vie de la vie" (1980) et poursuivre la progression des niveaux jusqu’aux idées engendrées par les activités sociales du niveau précédent. Publication posthume en 1984 et testament intellectuel, "La Nature et la Pensée" (Mind and "Nature. A Necessary Unity", 1979) de Gregory Bateson clarifie et résume l'écologie de l'esprit en une "métastructure" ou "structure qui relie" les sciences éparpillées et disjointes en chapelles disciplinaires. Cette unité nécessaire entre la nature et l'esprit est dans la communication qui relie, ce que Edgar Morin, nomme, parfois de "paradigme de la communication", celui des "relations", en contraste aux "objets".
L’épistémologie est aussi l’histoire des sciencesPourquoi la science s’est-elle formée ici plutôt que là ? Comment ? Il y a une approche internaliste de la question, repris notamment par Alexandre Koyré, et une approche externaliste, par Pierre Thuillier.Karl Popper soutient que son critère de démarcation serait « a-historique », puisque fondé uniquement sur la logique, mais que si aucun élément dans l'histoire des sciences ne venait l'étayer, il l'abandonnerait. La vision internalisteElle ne prend en compte que l’histoire des idées scientifiques, de découverte en découverte : les savants sont un monde à part, qui progresse indépendamment du reste. La science se nourrit d’elle-même. Il est ainsi possible de comprendre l’histoire des sciences sans se référer au contexte culturel. L’important, ce sont les étapes de progression de l’histoire scientifique.La vision externalisteLa vision externaliste rend au contraire la science dépendante de l’économie, la psychologie, etc. Ceci amène à des conséquences différentes suivant le contexte. Voir ou revoir la série télévisuelle de Jacob Bronowski "L’évolution de l’homme" ("The Ascent of Man") de la BBC qui l’a rendu célèbre auprès du grand public cultivé, disponible aussi en francophonie.Philosophes et l'épistémologieLa plupart des "grands" philosophes ont étudié des thématiques que l'on qualifie aujourd'hui d'épistémologiques. Il en est ainsi de plusieurs philosophes grecs, de Kant, de Hegel, de Nietzsche, de Russell etc.Philosophes grecsLes philosophes grecs ont largement abordé les thèmes de l'épistémologie, comme par exemple :
KantKant offre un changement de perspective radical vis à vis de l'empirisme : c'est une véritable révolution épistémologique. En effet, Kant va montrer que le vrai « centre » de la connaissance est le sujet et non une réalité par rapport à laquelle nous serions passifs."Ainsi, dans le temps, aucune connaissance ne précède l'expérience, et toutes commencent avec elle" explique t-il dans Critique de la raison pure. Ainsi pour Kant, note Claude Mouchot dans Méthodologie économique, "l'objet en soi, le noumene, est et restera inconnu" et "nous ne connaitrons jamais que les phénomènes" et en cela Kant reste très actuel. Selon les termes de Kant (Critique de la raison pure) "il n’y a que les objets des sens qui puissent nous être donnés (...) ils ne peuvent l’être que dans le contexte d’une expérience possible". Actuel, Kant le reste également par sa "reconnaissance de l'existence de cadres (spatio-temporels), au travers desquels le réel se présente à nous" écrit encore Claude Mouchot. Toutefois, le caractère a-priori de ces cadres ne peut plus être accepté aujourd'hui suite notamment à la remise en cause de la notion d'espace-temps de la mécanique classique, qui était la seule existante au temps de Kant, par la mécanique relativiste. Tout au moins pouvons-nous considérer ces cadres comme étant construits par le sujet, ce qui est le point de vue du constructivisme.
A l'origine élaboré pour dégager la science du carcan des idées métaphysiques dominant au XIXe siècle, le positivisme a eu une influence décisive sur la science et la philosophie contemporaines. Parmi les tendances qui s'en inspire, on peut noter le positivisme logique, le réductionnisme, ... Cependant, on constate que les avancées les plus spectaculaires de la science sont amenées par des interrogations sur le « pourquoi ? » avant d'être des questions purement techniques. On peut penser que la science positiviste est condamnée à rester une science peu inspirée, et à terme stérile.
Créé par: thanh dernière modification: Mardi 21 of Octobre, 2008 [07:37:29 UTC] par thanh |
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